Aurore: Pensées sur les préjugés moraux
Friedrich Nietzsche
Language: French
Pages: 425
ISBN: 2:00290342
Format: PDF / Kindle (mobi) / ePub
Dans Aurore (1881), Nietzsche poursuit l’entreprise de critique radicale de la morale commencée dans Humain, trop humain, et pose ainsi les jalons d’un projet philosophique dont ses dernières œuvres, de Par-delà bien et mal à Ecce homo, seront le couronnement.
Le philosophe s’impose ici comme un travailleur des ténèbres, forant le fond de la civilisation pour mettre au jour les origines plus ou moins nobles des idéaux, des croyances et des mœurs, saper les fondements de la morale et faire vaciller nos certitudes. Prônant la libération de la pensée, il en appelle à l’affirmation de nouvelles valeurs. Et il nous montre, à travers cette série de fragments placés sous le signe de la belle humeur, que l’étonnement et le scepticisme sont au principe de toute philosophie : « Un livre comme celui-ci n’est pas fait pour être lu d’un seul tenant ou à voix haute, mais pour être consulté, notamment en promenade ou en voyage. On doit pouvoir sans cesse y mettre le nez, puis le relever, et ne plus rien trouver d’habituel autour de soi. »
son temps est révolu, l'aiguille se fige. Si un grand penseur veut faire de lui-même une institution qui engage l'humanité future, on peut être certain qu'il a passé le point culminant de sa force, qu'il est très fatigué et tout proche de son crépuscule. 543 Ne pas faire de la passion un argument de vérité. Ô vous les exaltés d'un bon naturel et même nobles exaltés, je vous connais ! Vous voulez continuer à avoir raison devant nous, mais aussi devant vous, surtout devant vous ! Et une mauvaise
Aurore, Humain, trop humain, � 40. ▲ Retour au texte 72. � Nouvelle puissance supérieure » : Nietzsche écrit : neue dämonische Gewalt, � nouvelle puissance démonique ». L'adjectif � démonique » n'existant pas dans le lexique français, nous avons transposé par � puissance supérieure ». Nietzsche reprend le terme dämonisch créé par Goethe dans Poésie et vérité (IV, 20) pour désigner une force innée dont sont doués certains individus capables de mener à bien de grandes entreprises et d'y entraîner
� Préface »), et son nez est l'un des instruments les plus délicats qui soient (ibid., � La “raison” dans la philosophie », � 3). La � Préface » d'Aurore parle également des � doigts et des yeux subtils » (§ 5). Sur cette métaphore de l'« otorhinologie » nietzschéenne, voir Éric Blondel, Nietzsche, le corps et la culture, op. cit., chap. VII, � Nietzsche et la philologie généalogique ». ▲ Retour au texte 435. En allemand, Trieb zur Erkenntnis. Sur le terme Trieb et le problème posé par sa
H. Hildenbrand et A. Lindenberg, Minuit, 1965. GOEDERT, Georges, Nietzsche critique des valeurs chrétiennes. Souffrance et compassion, Beauchesne, 1977. GRANIER, Jean, Le Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche, Seuil, 1966. HAAR, Michel, Nietzsche et la métaphysique, Gallimard, � Tel », 1993. HAAR, Michel, Par-delà le nihilisme. Nouveaux essais sur Nietzsche, PUF, 1998. HEIDEGGER, Martin, Nietzsche, trad. P. Klossowski, Gallimard, 1971, 2 vol. HENKE, Dieter, Gott und
tournant le dos, parce que je la connais et la crains » ? Devrait-il faire comme les peuplades africaines devant leur prince, qui ne s'en approchent qu'à reculons et savent montrer leur vénération en même temps que leur crainte ? 449 Où sont les nécessiteux de l'esprit ? Ah ! qu'il me répugne d'imposer à autrui mes propres pensées ! Comme je me réjouis de chacune des humeurs et de chacun des revirements secrets par lesquels les pensées d'autrui font valoir leurs droits à l'encontre des